La campagne des Ardennes (ép. 1)

Les 7 et 8 mai de l'an de grâce 2011, un groupe de 35 Français du Nord-Pas-de-Calais appartenant à la célèbre organisation non gouvernementale, apolitique, laïque et à but non lucratif des Gais Lurons de 1948 défraya la chronique dans les Ardennes sedanaises et sur la Moselle dans les environs de REMICH. En voici le récit (en deux épisodes), établi à partir du témoignage authentique de l'un des acteurs de cette aventure exceptionnelle, Didier B.

Journée du 7 mai 2011

Tout commence en ce samedi matin baigné d'une douceur estivale décidément précoce. Il est 7 heures environ lorsque le bus de Id Voyages, conduit par Laurent, quitte le fief des Gais Lurons, WAVRIN. La bande est emmenée par son chef en personne, Marylène, flanquée de ses fidèles lieutenants habituels et de ses deux gardes du corps, Franck et Didier. La mission de ces deux jours de raid pourrait se résumer de la manière suivante:

Dans le but d'asseoir la suprématie des Gais Lurons jusqu'aux marches ardennaises du territoire, dans un premier temps prendre d'assaut Charleville-Mézières, dans un deuxième temps assiéger et enlever l'inexpugnable forteresse de Sedan, où le camp sera dressé pour la nuit du 7 au 8, dans un troisième temps investir REMICH et naviguer sur la Moselle ; en mesure de se replier en bon ordre sur WAVRIN avant les douze coups de minuit. Plan particulièrement audacieux... Mais on sait les Gais Lurons capables d'un tel exploit, dont le succès pourrait inscrire à jamais et en lettres d'or au fronton de l'humanité ces deux mots : Gais Lurons.

C'est donc en toute discrétion, sous un ciel légèrement voilé, que le bus d'assaut traverse le département du Nord et pénètre par surprise dans celui des Ardennes, puis dans son chef-lieu, Charleville-Mézières. Il est alors précisément 9h43 et 14 secondes, heure française.

Avant d'aller plus loin dans le récit de ce premier assaut, la petite histoire retiendra que nos 35 courageux touristes, désarmés jusqu'aux dents, ont pris un petit déjeuner dans le bus même, aux environs de 7h45, à base de viennoiseries et de café ch'ti dont la composition exacte est restée secrète et figure comme une des énigmes non résolues de ce siècle. Certains spécialistes de l'art culinaire et guerrier affirment que cette collation traditionnelle des Gais Lurons agirait à la manière de la non moins célèbre potion magique de Gaulois irréductibles, dont on dit en outre -mais cela reste à prouver- que les Gais Lurons descendraient en droite ligne. Hypothèse probablement farfelue, tant il est vrai qu'on ne peut imaginer un instant que des Ch'tis puissent descendre de Bretons.

Revenons donc à nos vaillants Gais Lurons, qui viennent de pénétrer dans les faubourgs de Charleville.
Nous ne sommes plus qu'à quelques minutes du débarquement. La concentration mais aussi l'excitation sont à leur maximum dans le bus amiral. Chacun fourbit ses armes (du reflex au simple numérique) et ajuste sa tenue (lunettes de soleil, chapeau, etc.). 10h00 : les Gais Lurons investissent la place Ducale (jumelle de la place des Vosges à Paris) baignée de soleil, sous le regard inquiet des autochtones, et celui un peu plus amusé de Nadège et Elisabeth, nos deux éclaireuses recrutées pour la bonne cause au sein même des Carolomacériens. Rapidement deux groupes sont constitués : le groupe alpha, confié à Elisabeth, progressera à pas comptés, tandis que le groupe bravo s'infiltrera au pas de charge...

Nous voici avec le groupe bravo, qui s'engage dans la rue Pierre Bérégovoy, Nadège donnant de précieuses explications tout au long de la progression jusqu'à la statue de Charles de Gonzague (1580-1637), duc de Nevers et de Rethel, qui décida le 6 mai 1606 de créer la ville de Charleville, pour en faire la capitale de la nouvelle principauté souveraine d'Arches. A quelques pas de là, le groupe bravo en profite pour mitrailler la maison natale de Rimbaud. Continuant sa progression éclair dans le centre historique de la cité, il prend ensuite d'assaut la place Winston Churchill, de laquelle il observe puis mitraille l'institut international de la marionnette, sans perdre une miette des explications de Nadège. Puis le groupe rejoint la place Ducale, en passant par la cour intérieure du musée de l'Ardenne. Il s'est écoulé précisément 1 heure 13 minutes et 25 secondes lorsque, après quelques ultimes commentaires de Nadège sur l'architecture et l'histoire de la place Ducale, le groupe bravo effectue la jonction avec le groupe alpha au niveau du bus. C'est à l'intérieur de celui-ci que la troupe au complet se reconditionne et se désaltère (les Gais Lurons ne se déplacent jamais sans leur logistique apéritive).

L'heure est venue de se restaurer, car la journée est loin d'être terminée et il n'est pas question de succomber à un coup de fringale avant la tombée de la nuit. Nos 35 compères se dirigent alors bruyamment et sans idée de manœuvre vers le Flandre, qu'ils investissent vers midi 15.
Ils ne quittent ce charmant établissement que 2 heures plus tard, rassasiés certes, mais plus enclins à faire une bonne sieste qu'à reprendre le combat. Toutefois, les plus hardis effectuent des coups de main isolés mais d'une rare efficacité dans les boutiques de souvenirs du coin ou sur les terrasses ensoleillées ou ombragées (au choix) des auberges de la place Ducale.

Il est 15h15 lorsque le bus s'ébranle, guidé par Nadège, pour un raid mécanisé à travers Mézières, mené à un rythme d'enfer grâce aux 380 chevaux fournis par ID Voyages et domptés d'une main de maître par Laurent. Deux posers d'assaut ont lieu durant ce raid. Le premier est effectué à quelques mètres de la statue du chevalier Bayard (plus connu pour ses exploits à Marignan que pour ceux à Mézières, ce qui est fort regrettable). Le second, plus important et plus long, a lieu à Notre Dame d'Espérance, dont les 1000 mètres carrés de vitraux vont subjuguer nos vaillants Ch'tis.
Ceci achève la conquête de Charleville-Mézières. La victoire est totale et tous les Gais Lurons ont la banane (si si !). Il est temps de prendre la direction de Sedan et de son château prétendument imprenable...

Il est environ 17 heures (oui, effectivement, la précision laisse à désirer, mais les notes prises sur le journal de marche de cette expédition sont assez floues à partir de cet après-midi du 7 mai, à croire que la fatigue et l'intensité des combats ont fini par avoir raison du scribe de service), il est donc environ 17 heures lorsque les Gais Lurons prennent d'assaut, par surprise, le château de Sedan, le plus grand château fort d'Europe. Abasourdis, abattus, démoralisés mais soumis à leurs nouveaux et fiers conquérants, les défenseurs remettent aux Gais Lurons les clés du château. Enfin, presque. Car il ne s'agit pas non plus d'enjoliver une réalité qui va, quoiqu'il en soit, rapidement se transformer en légende sans qu'il ne soit nécessaire d'en rajouter. Donc, en fait, ce sont les clés des chambres de l'Hôtellerie Le Château Fort (***) que nos valeureux héros reçoivent. Le temps de poser les paquetages et de sauter sous une douche régénératrice, et voici la plupart des Gais Lurons prêts pour une visite de leur nouvelle conquête, visite menée par Aurélien, passionné, passionnant et brillantissime. Il connaît tout des secrets du château, en particulier son système de défense dont le franchissement eût été digne d'une épreuve extrême de "Fort Boyard". Cette visite, qui dure une petite heure, est absolument captivante.

19h15. Tous les Gais Lurons sont regroupés, au pied du restaurant du château. Aurélien, toujours lui, les guide alors vers une petite salle ronde, pour les "préparatifs" avant le festin. Là se trouvent des vestiaires sur lesquels sont pendus moult habits d'époque. Et c'est sous son oeil amusé que chacun se doit de choisir une de ces tenues et de la revêtir. Grand moment ! Est-ce un costume de femme ou d'homme, ça ? Est-ce que je vais rentrer dedans ? Est-ce que ça me va bien ? La séance d'habillage dure un bon quart d'heure. Et voici la valeureuse troupe enfin "déguisée" qui se dirige vers la salle qui lui est spécialement réservée pour festoyer. Après le rituel du lavage des mains, le maître queux et son assistante (Rose) invitent leurs convives à passer à table, alors que brûlent joyeusement dans l'âtre quelques solides bûches sedanaises dont la lumière changeante se marie agréablement avec celle des bougies disposées sur la grande table en "U". Une sorte de cuillère plate, une écuelle et un gobelet en grès composent le couvert dressé à chaque place. Goguenard, le maître queux prévient ses convives qu'on va manger comme à l'époque : avec les doigts. Ce qui laisse perplexes quelques Gais Lurons, mais il en faut plus que ça pour les désarçonner, foi de ch'ti !
En guise d'apéritif est servi, entre autres, de l'hypocras, apéritif médiéval, qui est un vin sucré dans lequel ont infusé de la cannelle, de la cardamome, des clous de girofle, du gingembre et des pétales de rose. C'est délicieux, ça se boit comme du petit lait... et ça change de la bière !!!
Le repas se déroule dans une ambiance de plus en plus "festive", et l'aspect médiéval est renforcé par le fait qu'une coupure de courant (qui se prolongera pratiquement toute la soirée) prive la salle d'une lumière artificielle. Seules les flammes de l'âtre et des bougies éclairent ce banquet au fil duquel les rires, les éclats de voix, les chants, les séances photos et les clowneries de certains (un des temps forts de la soirée est la partie de jeu de paume aux règles un peu revisitées par Franck et Didier, à grand renfort de poëles à frire en guise de raquettes). La fée électricité daigne se joindre de nouveau aux convives alors que la tisane est déjà servie (le maître queux ayant, du coup, lui aussi utilisé la bonne vieille méthode de la cuisson et du réchauffage au feu de bois pour la préparation du dessert -des pommes au four !- et la préparation de la tisane).
Il est 22h déjà sonnées depuis pas mal de minutes lorsque les Gais Lurons, repus, fatigués mais enchantés, regagnent leurs quartiers, non sans avoir remercié et félicité chaleureusement le maître queux et son équipe..

La nuit est tombée depuis belle lurette. Le château retrouve son calme et s'endort, lentement. Les hautes et épaisses murailles qui montent la garde s'estompent dans la pénombre, les lumières s'éteignent l'une après l'autre dans les chambres, les corps fourbus s'abandonnent aux bras de Morphée. C'est l'heure pour les fantômes du château d'entrer en scène... La petite histoire retiendra que durant cette nuit-là, Franck et Didier auront vaillamment et dignement repoussé, pendant plusieurs heures, les avances de deux spectres charmants, une blonde et une brune... A moins qu'il ne s'agisse là de quelque effet secondaire d'une ingestion massive d'hypocras...

Ainsi se termine ce premier épisode... Laissons nos vaillants Gais Lurons reprendre des forces avant une deuxième journée de campagne qui s'annonce décisive. Déjà, la légende s'écrit d'une plume de l'aigle de la victoire trempée dans l'encre de la nuit sedanaise...

Les Ardennes - 07 & 08 mai 2011 (photos Didier)
Les Ardennes - 07 & 08 mai 2011 (photos Franck)
template joomlatemplate joomla gratuit